Comment peut-on créer une marque qui fait boule de neige et qui redéfinit les règles du jeu? Nous croyons que les ingrédients magiques sont une conviction absolue, l’humilité et l’introspection… et aussi une réelle volonté de grandir et d’apprendre. Ce sont des qualités qui décrivent très bien la cofondatrice et PDG de Mejuri, Noura Sakkijha… et qui propulsent son entreprise vers le statut de leader mondial de sa génération dans le domaine de la bijouterie. Et c’est sans compter le fait que Mejuri crée de magnifiques produits fabriqués de façon éthique et dans le respect des besoins de la clientèle.
Fondée en 2013 par Noura Sakkijha et son mari, Majed Masad, Mejuri s’est donné pour mission de changer la façon dont les femmes achètent des bijoux, c.-à-d. de démocratiser les produits de luxe. Bijoutière de troisième génération, Noura souhaitait donner aux femmes la possibilité de s’offrir des bijoux raffinés qui leur conviennent, et elle a réussi. En créant une marque qui s’adresse directement aux consommatrices, en réduisant les marges par rapport aux bijoux traditionnels et en faisant office de pionnière dans la façon de proposer ses produits et le marketing d’influence, Mejuri s’attire une clientèle nombreuse et fidèle qui aime le sentiment que lui procure ses bijoux.
Nous avons récemment invité Noura à parler de son parcours entrepreneurial avec certains de nos entrepreneurs. Cet entretien à cœur ouvert porte sur son parcours entrepreneurial parfois parsemé d’embûches, comment elle parvient à maintenir un équilibre travail-famille (elle a de jeunes jumelles!) et comment elle a réussi à faire croître son entreprise et à gérer les hauts et les bas des campagnes de financement.
Mejuri est l’une de ces entreprises phares qui affichent une croissance fulgurante. En tant que fondatrice et PDG, vous avez su manœuvrer habilement en toute conscience et faire face à tous les défis que posent la croissance, les campagnes de financement, les activités d’exploitation et l’atteinte des objectifs fixés. Comment y êtes-vous arrivée?
C’est ma première expérience de l’entrepreneuriat, alors j’en ai encore beaucoup à apprendre et je ne suis pas gênée de le dire. C’est même un titre que je porte fièrement et qui m’incite à poser des questions. Quand je participais aux programmes FounderFuel et 500 Startups, je parlais à tout le monde. Ça ne veut pas dire que je tiens compte de chaque commentaire que je reçois, mais ça me permet d’avoir différents points de vue. C’est la première fois que je dirige une entreprise et c’est probablement aussi la première fois que les membres de notre équipe de direction ont à prendre des décisions de cette envergure pour notre bilan et notre croissance. En fait, je le vois plutôt d’un bon œil! Ça nous force à être débrouillards lorsque l’on doit trouver des réponses. Nous en sortons grandis.
Être ouvert et transparent avec tout le monde est l’une des clés. Mais il faut aussi trouver un juste milieu entre « ne pas être à court d’argent » et « jouer le tout pour le tout ». Cette dichotomie génère beaucoup de stress. Comment arrivez-vous à gérer ce stress?
J’ai connu beaucoup de hauts et de bas. Nous avons recueilli 32 millions $US à ce jour, mais ma plus grande fierté est en fait ma ronde d’amorçage, qui nous a permis de recueillir 1 million $. Quand je suis arrivée au Canada il y a 10 ans, je n’avais aucun réseau, je devais repartir à zéro. J’ai participé à FounderFuel, puis je suis allée aux États-Unis pour rencontrer des investisseurs américains. Il m’a fallu environ six mois pour les convaincre d’investir dans notre entreprise, mais je croyais vraiment à notre projet. Six mois, c’est très long, surtout au stade d’amorçage. J’ai dû cogner à plusieurs portes.
J’imagine que les investisseurs trouvaient que c’était trop risqué d’investir dans une entreprise de bijoux. « C’est très bien ce que vous faites et nous aimons votre personnalité, mais la joaillerie ne nous intéresse pas. »
Effectivement, ça n’a pas été de tout repos. Je me rappelle avoir fait cinq présentations à New York le même jour. Ce fut l’un des pires jours de ma vie parce que personne n’était intéressé. Je pense que la plupart des entrepreneurs auraient abandonné à ce moment-là, mais j’ai continué jusqu’à ce que nous ayons levé 1 million $.
Et une fois l’argent en poche, il fallait que les résultats suivent. Les situations de stress m’ont appris que je ne veux plus jamais être dans une position où j’ai besoin de l’argent des investisseurs pour survivre. J’ai donc foncé tête baissée et épluché les données financières pour voir comment je pouvais offrir plus de valeur à notre clientèle.
Je me suis aussi posé quelques questions : Qu’est-ce qui est important pour moi? Est-ce que notre clientèle s’agrandit? Travaillons-nous avec les bonnes influenceuses? Est-ce que nous leur offrons une valeur intéressante? Créons-nous les meilleurs produits? Savons-nous comment faire croître l’entreprise? Savons-nous embaucher les bonnes personnes?
À un certain moment, je n’en pouvais plus. Tous les matins, je me réveillais avec l’envie d’être ailleurs. Personne de mon entourage ne pouvait comprendre. Tout était plus simple dans leur vie, et j’étais la seule qui devait respecter un budget. J’ai décidé de voir un thérapeute, qui m’a dit : « Vous vivez une crise existentielle ». Je ne savais plus quoi faire, alors je me suis jointe à 500 Startups, et ça été un tournant dans ma vie. Je me suis rendu compte que plein d’autres personnes super brillantes avaient des problèmes similaires, mais n’étaient pas aussi dures avec elles-mêmes.
Pour moi, le succès de mon entreprise et ma réussite personnelle étaient intimement liés. Faire partie de 500 Startups a eu un effet thérapeutique parce que j’ai compris que je n’étais pas seule. Toutes ces personnes brillantes font face aux mêmes défis que moi. Le plus important, c’est de ne pas s’isoler. Il faut prendre le temps de parler ouvertement avec d’autres entrepreneurs qui doivent relever les mêmes défis.
Quand je suis revenue, j’ai décidé de prendre ma thérapie et ma santé mentale au sérieux. Je vois d’ailleurs encore un thérapeute, parce que j’ai besoin d’un espace qui me permet de faire le bilan et de trouver des solutions. Ça m’a énormément aidé. Chez Mejuri, nous pensons qu’une partie du régime d’assurance-maladie doit être consacrée à la santé mentale et qu’il est important de reconnaître que nous avons tous besoin d’un peu d’aide à certains moments. Nous vivons tous beaucoup de stress, mais la tolérance de chacun n’est pas la même. Prendre soin de sa santé mentale est primordial.
Je ne prétends pas que tout a été rose. Il y a eu des moments très difficiles à traverser. Mentalement, c’était épuisant. Maintenant, je suis plus sereine parce que je me connais mieux et je suis mieux outillée pour faire face au stress.
Lorsque vous avez lancé Mejuri, vous vous occupiez de toutes les facettes de l’entreprise, mais maintenant vous déléguez à des spécialistes la gestion des divers services. À quel moment avez-vous cliqué que le moment était venu de lâcher prise?
En fait, c’est arrivé graduellement, mais ça a pris de l’ampleur lorsque je suis partie en congé de maternité, je devais lâcher prise.
Quand j’ai posé ma candidature pour le programme FounderFuel et que j’ai ensuite mis les pieds chez Real Ventures, nous n’avions aucune vente et j’ai dit : « Nous allons devenir la plus grande marque de bijoux dans le monde! ». J’en suis encore convaincue, mais pour y arriver, je veux continuer de grandir en tant que personne, et je ne peux pas intervenir dans chaque petit détail. Je dois laisser à d’autres la chance de briller et de prendre le contrôle pour qu’ils soient tout aussi investis que moi dans l’entreprise.
Lorsque nous avons commencé, j’embauchais des gens comme moi, des gens affamés. Ce n’était pas des spécialistes, mais ils étaient déterminés. Or, depuis quelque temps, nous engageons davantage de spécialistes. Il faut apprendre à mettre son orgueil de côté pour le bien de l‘entreprise.
Je ne suis pas la seule personne garante du succès de l’entreprise. Je suis quelqu’un qui, maintenant, ne devrait plus agir comme seule spécialiste. Je dois pouvoir m’entourer des bonnes personnes pour que nous visions tous ensemble le même objectif.
Lorsque je suis revenue après mon congé de maternité, qui n’a duré que trois mois pour les activités courantes, j’ai eu un certain choc. Tout allait normalement. C’est comme si les employés n’avaient pas besoin de moi. En fait, il m’a fallu un certain temps pour rattraper mon retard. Dans notre entreprise, tout se passe vite, et c’est ce que j’aime. Mais là, il y avait plein de gens que je ne connaissais même pas. J’ai ensuite pris conscience à quel point c’était fantastique! L’entreprise est devenue une machine qui s’autorégule et je n’ai plus besoin d’intervenir au quotidien.
Comment tout cela se reflète-t-il dans vos activités et votre horaire si vous comparez ce que vous faisiez il y a 24 mois, 12 mois et ce que vous faites aujourd’hui?
Il y a 24 mois, je me concentrais sur l’aspect marketing : Comment pouvons-nous attirer de nouvelles clientes? Comment se déroule la conception de chaque produit? Combien y a-t-il de livraisons? Tous les jours, j’allais visiter notre entrepôt de fabrication de Toronto. Maintenant, je suis encore présente, mais je travaille davantage avec les directeurs de chaque secteur. J’interviens donc plus dans la stratégie à adopter que dans la conception des produits. Je discute de la combinaison marketing plutôt que de chaque circuit. Par contre, lorsqu’il y a un problème, je vais à la source.
Outre l’embauche de personnes formidables, quelle a été votre plus grande leçon pour stimuler les performances de l’équipe?
Nous avons embauché de nombreux leaders très rapidement, et je pense que le plus difficile est de tous les faire adhérer à la stratégie choisie. Faisons-nous réellement tout ce qu’il faut pour nous assurer qu’ils vont dans la bonne direction? Avons-nous embauché les bonnes personnes? Tout d’abord, ils doivent bien travailler ensemble, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ensuite, nous devons réunir les conditions gagnantes pour qu’une confiance s’établisse et ne pas tourner autour du pot lorsqu’il y a un problème. Nous sommes d’ailleurs encore en train de cheminer sur ce point.
Sans tomber dans la microgestion, comment pouvons-nous nous assurer que nous allons atteindre nos objectifs et assurer la croissance de l’entreprise? C’est notre défi en ce moment.
Votre mari est cofondateur de l’entreprise, vous avez deux magnifiques jeunes filles. Vous avez ouvert des magasins à New York, Toronto, Los Angeles et bientôt San Francisco, vous êtes donc continuellement en déplacement. Votre équipe a franchi le cap des 200 employés. Comment réussissez-vous la conciliation travail-famille?
Je pense que la séparation travail-famille est un concept très ancien. Si vous aimez ce que vous faites, je crois plutôt que ces deux facettes s’intègrent bien ensemble. C’est un mode de vie. J’adore ce que je fais, pas tous les jours bien sûr, et parfois je veux juste être seule et ne parler à personne. Je ne prétends pas que tout est parfait, mais pour moi il n’y a pas de coupure définie entre le travail et la maison.
Par contre, pour ce qui est de mes jumelles, je suis intraitable : je veux être la première personne qu’elles voient le matin et la dernière avant le coucher. Quand je suis avec elles, rien d’autre ne compte. Je ne regarde même pas mon téléphone. Une fois qu’elles sont endormies, j’en profite pour consulter mes messages.
Nous avons tous grandi avec l’idée que l’école, c’est nul, que le travail, c’est nul et que ce sont seulement des moyens d’arriver à nos fins, mais je pense qu’il faut changer notre façon de penser et comprendre que c’est ça, la vie.
Finalement, avoir un mari dans le même domaine n’est pas toujours facile parce qu’une soirée romantique peut facilement tourner en réunion stratégique, il faut juste faire attention!
J’aimerais revenir sur votre congé de maternité. Comment avez-vous tout préparé avant de partir? Avez-vous réussi à décrocher complètement?
J’ai travaillé le plus longtemps possible. Ça peut paraître un peu extrême, mais j’ai passé deux semaines à l’hôpital et je ne pouvais pas rester là à ne rien faire. J’ai littéralement signé les documents de notre financement de série B à l’hôpital. En temps normal pour ce qui est du financement, c’est moi qui parle aux investisseurs, qui éveille leur intérêt et qui amène le dossier jusqu’à l’étape de diligence raisonnable. Ensuite, Majed prend le relais.
Avant mon congé de maternité, j’ai vérifié mon calendrier pour voir sur quoi je travaillais au quotidien, puis j’ai essayé de trouver quelqu’un ou même d’embaucher des personnes pour me remplacer. J’ai ouvert la porte pour permettre à l’équipe d’être autonome.
J’ai réalisé qu’avec mon approche, j’empêchais mon équipe d’évoluer. Par exemple, ils étaient paralysés quand je partais en vacances. Parfois, il faut vraiment savoir lâcher prise parce que l’équipe n’a pas besoin qu’on intervienne dans chaque petit détail. Il faut lui laisser de l’espace. Donc, pendant ces trois mois, je ne suis pas intervenue dans la gestion courante, mais j’ai continué de participer aux réunions stratégiques plus importantes avec notre directrice de la création. J’ai eu la chance de pouvoir prendre trois mois pour me concentrer sur nos jumelles.
À quel moment avez-vous eu le déclic que votre projet tenait la route ou qu’est-ce qui a conduit à ce déclic?
Il n’y a pas eu un moment en particulier, c’était plutôt la réalisation, peut-être un peu cartésienne, que les gens s’intéressent toujours aux bijoux. Je connaissais le marché et ses possibilités. Nous n’avons pas créé quelque chose de complètement nouveau. L’idée était plutôt de créer une nouvelle marque et de nouvelles habitudes d’achat. Il y a une demande énorme pour ce que nous faisons, donc c’est une question d’exécution, en particulier, au tout début de l’entreprise.
Nous avons commencé à voir qu’il y avait un attrait pour ce que nous faisions et qu’il était possible d’élargir la clientèle sans dépenser une tonne d’argent pour y arriver. C’est un peu ce qui nous a guidés. J’ai ensuite convaincu des spécialistes du domaine — notre directeur technique et notre directrice de la création — de se joindre à moi. Ils aiment bien en rire, mais à un certain moment nous étions tous assis dans une petite pièce à FounderFuel et nous avons lancé : « Nous allons être numéro un! ». Ils avaient 15 ans d’expérience avec les grandes marques, et j’ai réussi à les convaincre de venir travailler avec moi. J’ai toujours pensé que ces étapes étaient des signes que je devais continuer.
Vous semblez avoir bien suivi le plan que vous aviez mis en place pour la croissance de votre entreprise. Avez-vous eu à vous réajuster en cours de route?
Oui, en 2013, nous avions l’idée d’utiliser une plateforme de production participative, ou crowdsourcing, qui permettrait aux designers de soumettre leurs créations pour que nous puissions les produire. J’ai ensuite réalisé à quel point je n’aimais pas cette idée, parce que nous n’avions plus aucun contrôle sur le processus de création. Au final, la gamme de produits aurait été tout à fait disparate, même si nous avions tenté de l’éviter en travaillant avec l’équipe.
Une marque doit être forte dès les premiers pas d’une entreprise, et offrir des produits aussi disparates, c’est un peu comme ramer à contre-courant. L’importance de cet élément peut être difficile à quantifier au début, mais c’est un énorme plus à long terme.
Nous avons donc abandonné cette idée. À cette époque, il n’y avait que le CTO et moi dans l’entreprise. À notre arrivée dans le programme FounderFuel, John nous dit : « Vous avez besoin d’un directeur créatif ». Nous avons alors embauché Justine à Montréal, puis elle a déménagé à Toronto pour être plus près de nous. Notre participation à FounderFuel a été un moment charnière et a fait de nous une équipe.
Quel avenir entrevoyez-vous pour la marque Mejuri? Vous avez parlé de votre intention d’en faire un succès planétaire. Quels sont les clients dans votre ligne de mire?
Pour répondre à cette question, je vais expliquer les valeurs que nous défendons. Pour ceux qui ne le savent pas, Mejuri est une marque de bijoux de qualité qui s’adresse directement aux consommatrices et qui vise à changer la façon dont les femmes perçoivent les bijoux raffinés et comment elles les achètent. Étant joaillère de troisième génération, je connais bien l’industrie. Les produits offerts sont souvent très coûteux et commercialisés pour les hommes, qui en font cadeau à leur conjointe. C’est comme ça depuis belle lurette.
Nous avons décidé de créer une marque de haute joaillerie destinée directement aux consommatrices. Elles s’achètent donc des bijoux pour elles-mêmes, ce qui se reflète dans notre approche design. Nous sommes les pionniers d’un tout nouveau modèle dans l’industrie : chaque lundi, nous ajoutons de nouveaux produits à notre collection. Globalement, 70 % de nos transactions proviennent de femmes qui achètent des bijoux pour elles-mêmes, et 30 % des achats sont réalisés par des clientes fidèles qui se procurent de nouveaux bijoux tous les mois. La raison pour laquelle je vous lance ces chiffres, c’est que je crois que nous pouvons faire aussi bien que Pandora, mais pour la prochaine génération.
La croissance internationale est une priorité pour nous. Nous avons ouvert un premier magasin de détail en pensant que ce serait simplement un bel ajout à notre modèle. Puis, nous avons constaté que 80 % des transactions provenaient de nouvelles clientes, ce qui en fait donc plutôt un canal d’acquisition. Nous allons donc continuer sur cette lancée. La philosophie de la marque est de démocratiser les produits de luxe et d’amener les femmes à se gâter elles-mêmes. Dans cette veine, nous travaillons également sur de nouvelles catégories de produits.
Avez-vous été confrontée à d’autres difficultés liées à la croissance de votre entreprise?
Aux États-Unis, certains investisseurs financent des entrepreneurs parce qu’ils les connaissent depuis le stade d’amorçage. Je ne dis pas que c’est la bonne approche, mais si nos investisseurs canadiens ne le font pas, qui s’en occupera? Qui sera le premier à signer un chèque?
L’autre différence que j’ai constatée à l’époque entre les États-Unis et le Canada est le côté positif associé aux échecs. Je ne sais pas si c’est encore le cas, mais au Canada, un échec était perçu très négativement. Ce n’était pas l’idéal pour calmer mon stress!
Aux États-Unis, il était normal d’entendre quelqu’un dire : « C’est ma troisième startup. J’ai embauché telle personne et obtenu tel financement. » Il est intéressant de voir que l’échec y est une donnée comme une autre. Vous avez essayé quelque chose, ça n’a pas fonctionné, mais vous en avez tiré des leçons. C’est une chose positive. Quand je suis revenue, j’étais doublement motivée à faire croître Mejuri, parce que je savais que même si j’échouais, ça ne voulait pas dire que je n’étais pas intelligente.
C’est une approche très motivante, parce qu’elle permet de dissocier l’estime de soi et les résultats de l’entreprise.
Comment s’est passée votre campagne de financement après la ronde d’amorçage?
Après la ronde d’amorçage, j’ai commencé à sentir un intérêt. J’avais de nombreux appels et je devais nouer des relations. Il faut échanger avec les investisseurs avant d’avoir besoin de l’argent, parce qu’en fin de compte, c’est important de bien s’entendre avec eux. Il faut se « fréquenter » un certain temps pour savoir si ça clique.
Voici ce que j’ai appris au fil du temps. Je tenais les investisseurs au courant de ce qui se passait et j’échangeais régulièrement avec eux. Lorsque nous franchissions une étape importante, je les tenais informés. Je voulais cerner un peu mieux leur personnalité. Par exemple, je voulais connaître Vanessa, qui siège maintenant à notre conseil d’administration. Je suis certaine que nous aurions quand même été amies, même si elle avait décidé de ne pas investir dans l’entreprise. C’est notre approche : Nous nous entendons bien, gardons le contact. Nous travaillons ensemble, génial. Nous ne travaillons pas ensemble, pas de problème. J’aime quand même que ces personnes fassent partie de mon réseau. C’est pourquoi notre financement de série B a été réalisé en quelques mois. Celui de série A a pris un peu plus de temps, mais a été plus facile à obtenir que le financement d’amorçage. À l’heure actuelle, nous sommes dans une phase critique où nous devons nous assurer que nos chiffres tiennent la route pour que nous puissions continuer au même rythme.
Vous avez une approche marketing très intéressante. Comment avez-vous fait pour faire croître l’entreprise à ses débuts? Comment avez-vous obtenu le premier million en ventes… et le deuxième?
Le marketing d’influence était très nouveau à l’époque. Sam [de Real Ventures] m’en a parlé et m’a encouragée à explorer cette avenue. Je me souviens que j’ai signé le premier contrat avec une influenceuse pour une présentation dans le sous-sol de FounderFuel. C’est l’une de nos premières initiatives de mise en marché qui a suscité beaucoup d’intérêt. Nous avons poursuivi dans cette voie et sommes devenus si bons dans le domaine que nous n’avons jamais eu à recourir à des plateformes externes.
C’est quelque chose qui s’applique à de nombreuses startups.
Si vous croyez qu’un volet de vos activités mènera plus tard à la création d’un centre d’excellence, c’est probablement une bonne idée de développer une expertise interne dans ce domaine, même si ça peut paraître difficile au début.
Nous n’avons jamais eu recours à des agences, préférant utiliser notre expertise interne, ce qui signifie aussi que nous visons le long terme dans les relations avec ces influenceuses. Nous faisons le suivi de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Nous pouvons donc créer un modèle qui nous aide à prendre des décisions. Tout le volet création est aussi à l’interne. D’ailleurs, l’équipe création est l’une de nos plus grandes. Tout ce qui concerne la technologie et la gestion des stocks se fait également à l’interne. Pour l’équipe de Mejuri, il est important que tout ce qui touche la clientèle demeure à l’interne. Vous pouvez imaginer que c’est tout un défi pour une jeune entreprise, mais le jeu en vaut la chandelle à long terme.
Comment avons-nous atteint les 2 millions de dollars en ventes? Nous utilisions plusieurs points de contact avec la clientèle et fixions des objectifs pour chacun d’eux. Nous devions tous aller dans la même direction, un peu comme une organisation qui utilise une structure OKR (objectifs et résultats clés). Il fallait avancer dans chaque domaine et c’est ce que nous faisions, même à FounderFuel.
Dernière question : J’aimerais connaître votre point de vue sur le rôle de la joaillerie comme moteur de changement dans une société patriarcale comme celle où nous vivons aujourd’hui?
Avant Mejuri, les femmes pouvaient seulement s’offrir des bijoux de mode s’ils étaient abordables, p. ex. des faux bijoux produits en série et de piètre qualité.
Or, nous nous demandions comment offrir aux femmes des produits de qualité qui dureraient plus longtemps et qui conserveraient leur valeur. C’est l’avantage de l’or, n’est-ce pas? Donc, une approche misant sur la qualité plutôt que la quantité. Cette philosophie est d’ailleurs de plus en plus répandue dans le monde de la mode aujourd’hui. Nos produits sont fabriqués à la main (aucune production en série) et tout est de source éthique.
En outre, le principe de notre marque est de démocratiser le luxe.
La nouvelle tendance n’est pas aux prix exorbitants ou aux exclusivités pour les mieux nantis. L’idée, c’est de pouvoir se gâter, de prendre un peu de temps pour soi et de s’offrir un produit de qualité.
C’est quelque chose qui rejoint beaucoup les femmes.
Le choix d’un bijou est très personnel. Les femmes peuvent maintenant se permettre des bijoux en diamant ou en or à un prix raisonnable. C’est ce que nous offrons en plus d’une expérience client sans compromis.
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